Joshua, s'il n'était pas aussi bon occlumens, aurait froncé les sourcils. Confiance en ses compagnons ? Parlait-il de l'armée d'imbéciles avides qui grouillait dans les couloirs de sa maison ? Ils n'étaient pas rendus. En guise de réponse, il se releva simplement, et fit une petite révérence.

"Lorsque je disais veiller à ce que l'on ne vous dérange pas, je parlais justement d'éloigner les importuns. Vous êtes le seul juge qui sachiez dire si vous avez besoin de mes services ou non."

Il releva le regard.

"Puis-je vous demander l'autorisation de prendre congé ?"

"Pour l'instant, ça devrait aller mon ami..."
Dit Nathan en souriant a Joshua
"Vous pouvez bien sur prendre congé. Je vais le faire aussi d'ailleur, vu qu'il est grand temps pour moi de prendre un peu de repos."
Il se releva doucement, et disparu à nouveau dans sa chambre ou il poussa un long soupire... Enfin dans seul... Enfin un peu de repos. 
Il jeta au hasard ses affaires dans la chambre et se laissa tomber sur le doux lit et s'endormi d'un sommeil sans rêve presque quasi instantanément.

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Le jeune homme ne fut aperçu à nouveau lorsque la pleine lune fut passé, en chemise blanche froissée et en pantalon de cuir usé, marchant pied nu sur le sol. Complétement débraillé et les cheveux en pétard, le jeune homme allât déposer quelques vivres supplémentaires dans la chambre de Joshua pour l'aider à surmonter son épreuve... Autant marquer des points pour fidéliser encore plus le fanatique...
Bien sûr, il voulait aussi quelques informations sur ce qu'à craché le prisonnier.

Il toqua doucement à la porte avant de l'ouvrir. 
"Bonjour Joshua... Je vous amène quelques potions et de la nourriture pour vous requinquer. Je peux entrer?"

Joshua manquait cruellement de sommeil, mais comme à son habitude, ne l'avait pas trouvé pour autant. Il était malade, comme chaque mois près de sa période de transformation. Trouver le repos était déjà difficile lorsque l'on était paranoïaque. Lorsque l'on était paranoïaque et que l'on avait de la fièvre, il n'était pas la peine d'y penser. Il était anormalement pâle, ses cheveux collaient à son front, et ses yeux étaient soulignés par des cernes gigantesques. En boule sur son lit, il surveillait la porte, sa baguette à portée de main. Lorsqu'il entendit toquer, il sursauta, et sa main fit automatiquement un petit mouvement vers sa baguette. Il la baissa doucement lorsqu'il vit de qui il s'agissait, mais resta sur ses gardes malgré tout. Il se leva avec une certaine difficulté, ce uniquement pour faire une petite révérence.

"Bonjour... bien sûr, je vous en prie, entrez." Son regard se posa sur la nourriture et les potions, inexpressif. Il ne savait pas exactement comment réagir. Il n'avait pas pour habitude que ses supérieurs se montrent aussi... attentionnés? Sans doute était-ce le mot. Pendant un moment, toutes les possibilités traversèrent l'esprit de Joshua. Tentait-il d'obtenir quelque chose? Pourtant, le jeune homme faisait déjà ce qui était en son pouvoir pour lui. Était-ce du poison? Il pouvait avoir décidé qu'avoir un loup garou parmi les troupes était trop contraignant, finalement. Mais non... il serait stupide de régler la question de cette manière, pas vrai? Peut-être s'agissait-t-il d'une autre potion quelconque, selon les effets que le maître pouvait vouloir... quoique Joshua ne voyait pas bien ce qu'il pourrait vouloir de plus. Il prendrait tout de même un antidote, en prévention.

Soudainement, il se rappela qu'il serait sans doute plus approprié de remercier son maître pour cet excès de grâce, et il baissa la tête. « Je... ne sais pas vraiment quoi dire, je vous prie d'accepter mes plus sincères remerciements. Aviez-vous besoin de quelque chose, monsieur ? »

Nathan alla s'asseoir sur une chaise en face de Joshua.
"Par pitié assis toi, on dirait que tu vas tomber par terre."
Il soupira un peu en passant une main dans ses cheveux
"J'ai débusquer des potions dans ce qu'il me restait. Et j'ai demandé au cuisto de te préparer un repas en plus... Tu y trouvera aussi un mot de passe qui te permettra d'accéder à ma salle de bain privée."
Il avait bien vu que le jeune homme ne se sentait pas très à l'aise, alors autant le rassurer.
"Comment tu vas? Un peu mieux j'espère... On m'a dit que tu n'étais pas au meilleurs de ta forme à la sortie de tes quartiers... Je veux m'assurer que tu aille le mieux possible... Car tu es une personne importante ici, pour tout le monde... Et surtout pour moi mon ami."


Nathan n'avait pas d'ami. Il trouvait ça inutile et niais comme son père avant lui... Mais contrairement à son paternel... Il n'en avait vraiment pas, et ne souhaitait pas en vouloir du tout. Car les amis était très bon pour faire quelque chose en particulier... Donner des coups de poignard dans le dos.
Cela dit, pour apprivoiser encore plus Joshua, et le rendre vraiment aussi fanatique que possible, il valait mieux la jouer fine. Et le faire valoir en temps qu'ami sincère au sein de cette grande famille était un bon moyen pour Nathan d'arriver à ses fins.

"Comme tu peux le voir... Je ne suis pas non plus au meilleur de ma forme... Mais bon, les choses vont en s'arrangeant. De plus... Ces récentes victoires nous galvanisent n'est-ce pas?"

Joshua acquiesça et alla s'asseoir sur le lit, dans une position recroquevillée pour conserver la chaleur. Il lança un regard interdit à la nourriture, et releva les yeux lorsque le maître mentionna la salle de bains privée. Son expression, sans doute pour la première fois, exprima quelque chose. De la surprise. Il n'avait pu le cacher, cette fois. C'était probablement là la faveur la plus incompréhensible qu'on lui ai jamais faite. Confus par cela et les compliments, il baissa les yeux à nouveau, incertain de ce qu'étaient les convenances dans ce type de situation.

« Je... merci. Je vais mieux... ma fièvre passera, tout comme ma transformation est passée. Elle ne m'empêchera pas de faire mon travail, je vous assure. »

Il y avait quelque chose de... dérangeant, chez Nathan. C'était le mot. Chez ses précédents supérieurs, la limite professionnelle était claire. Joshua ne pouvait agir de façon familière, et il obéissait à leurs ordres sans rechigner. Du moins, tant qu'il y trouvait un intérêt, à savoir, tant que leur parole avait le moindre poids, et que leur obéir ne risquait pas de lui retomber sur le coin de la figure plus tard. Mais avec cet homme... rien n'était clair. La limite existait, mais elle était visiblement floutée, et connaissait des exceptions. Cela rendait le loup garou encore moins à l'aise, car il n'était pas certain de ce qu'il pouvait se permettre. Mais surtout, que cherchait-il en se comportant ainsi ? Autant jouer le jeu, non ? Ou peut-être s'agissait-il d'un test pour voir si Joshua prendrait trop ses aises ?

Les yeux du jeune homme se baladèrent pour se poser sur la viande, et il hésita un petit moment avant d'attraper le plat et de le manger goulûment, sans manquer de s'en mettre un peu sur le coin des lèvres. Il restait dans sa position, les jambes croisées et les cheveux en bataille, en train de manger comme s'il ne l'avait pas fait depuis des mois. Il fit une petite pause pour regarder Nathan en l'entendant parler, l'air curieux, en continuant de mâcher doucement. Puis il sourit simplement.

« C'est vrai. Notre enchaînement de victoires est... très agréable. Pour moi aussi. Mais il ne faut pas oublier que c'est lorsque l'on a trop vaincu que l'on prend confiance... parfois trop. Est-ce que... vous vouliez quoi que ce soit d'autre, monsieur ? Puis-je faire quoi que ce soit pour vous soulager ? » Le sourire de Joshua avait quelque chose de très poli, formel. Et pourtant, il restait incroyablement rare.

Il regarda le loup garou manger un peu un affichant une mine un peu soulagée, et écarta quelques mèches sauvages qui tombaient sur son visage. Voilà que Joshua souriait… Cela, Nathan ne s’y attendait pas vraiment, mais cela ne devait pas forcément être une mauvaise chose.
 
Nathan ria un peu devant la réaction du jeune homme, avant de dire doucement
" Si j’avais pris confiance, je serais parti en Russie et en France sans même me reposer. Et puis si je n’étais pas prudent, j’aurais gardé tous les pouvoirs pour moi. Vous nommer en temps que bras droit est justement une preuve de prudence, cela permet de pouvoir agir sur toutes les missions en même temps tout en évitant les éventuelles erreurs stratégiques. "
Il hocha la tête
" Même si je n’en fais jamais… Il faut savoir s’attendre à tout, même à l’imprévisible. Dans tous les cas vos excellences dans vos domaines respectifs m’est d’une grande aide, et je prévois de grande chose pour vous. "
Ajouta-t-il d’un ton fédérateur.
 
Mais voilà que le jeune homme recommençait à lui demander s’il avait besoin d’un service. C’était l’occasion de resservir un peu de miel à Joshua.
Nathan ria un peu et dit un ton naturel
 " Ça ira mon ami… je n’ai besoin de rien pour l’instant. Je venais juste m’assurer que vous ne manquiez de rien pour vous remettre au mieux de votre éprouvante transformation. "
Il fit une petite pause et repris
" Cependant… Je venais aussi pour savoir comment s’était passé l’interrogatoire de notre cher captif Blake… "

Joshua savait parfaitement qu'un sourire apparemment sincère de sa part pouvait être perturbant. Lorsqu'il décidait de le faire, il l'avait la plupart du temps calculé. Ses dons d'occlumens l'amenaient à une grande maîtrise de lui-même, souvent automatique. Il se passa peu de temps avant qu'il reprenne son éternelle expression sérieuse et professionnelle. Il écouta son maître avec attention, sans réagir face à ses marques d'affection. Il attendit qu'il soit sûr qu'il ait terminé avant de reprendre la parole.

"Loin de moi l'idée d'impliquer que vous devenez trop confiant, monsieur. Je disais simplement qu'il fallait faire attention à ne pas le devenir. Encore une fois, je ne fais qu'anticiper des problèmes qui ne se sont pas présentés ; je vous prie de me pardonner pour cela. Et vous prie également d'accepter mes remerciements pour votre confiance. C'est un grand honneur, et j'espère m'en montrer digne."

Il reprit la dégustation de son plat comme s'il n'avait rien dit. Ce jusqu'à-ce que le maître mentionne l'interrogation de Blake. Joshua releva légèrement le regard. Était-ce pour cela qu'il était venu s'occuper de lui ? Si tel était le cas, il n'avait très certainement pas besoin de lui servir autant de pommade. Il suffisait de lui poser la question, il y répondrait. Et Nathan le savait très certainement. Ce dernier était décidément bien difficile à saisir.

"Très bien. A vrai dire, j'ai préféré tenter de gagner sa confiance. Dans une situation aussi stressante, n'importe qui se raccrocherait à ses geôliers, pour peu qu'ils lui montrent un peu de soutien émotionnel et qu'ils défendent correctement leurs propres motivations. Bien entendu, un sortilège de l'imperium serait bien plus efficace, mais...'' Comment expliquer à Nathan que Joshua n'était pas vraiment intéressé par ce que le prisonnier avait à dire, et ne faisait qu'expérimenter, s'entraîner, tester ses théories sur les réactions humaines ? Jouer, en résumé ? Il valait probablement mieux ne pas l'expliquer. "… Un imperium impliquerait également de n'en faire qu'un allié temporaire, à moins d'en faire un esclave, ce qui ne servirait que peu à obtenir des informations. Je pense que le prisonnier m'apprécie. Je pense qu'il me voit comme un adolescent en manque de repères. Il m'a... hm... parlé de sa misère sentimentale et du stress qu'il ressentait dans sa profession. En dehors de cela, car je doute que cela vous intéresse..." Il regarda le plafond. « Il refuse de me dire quoi que ce soit de crucial concernant les aurors, mais je sais désormais que le premier ministre n'était pas à Cardiff, et qu'il s'agissait d'une fausse information. Les hommes que vous avez envoyé là-bas sont très certainement morts. En revanche, Blake a craché le nom d'un contact qui pourrait peut-être servir de piste pour le retrouver, si cela vous intéresse... mais en l'état actuel des choses, le ministre a peu de pouvoir de toute manière, et ce serait  certainement une perte de ressources." Il baissa le regard. "Encore une fois, je ne suis pas homme à utiliser la manière forte, à moins que cela soit nécessaire ou que vous m'en donniez expressément l'ordre. Or, les méthodes que j'utilise ne sont pas rapides. Néanmoins, elles sont concluantes."

Lorsque la colère du maître éclata, le seul signe d'angoisse que Joshua afficha fut un petit mouvement de recul. Son expression ne changea pas. Rien, dans sa gestuelle, ne sembla indiquer à quel point il était terrifié, et aurait pu sauter par la fenêtre pour échapper à cette situation. Il écouta le maître jusqu'au bout sans l'interrompre une seule fois, de toute façon trop pétrifié pour le faire. Lorsque la colère était dirigée vers d'autres, il pouvait déjà difficilement la supporter, mais lorsqu'elle était due à quelque chose qu'il avait dit ? Un mouvement de trop, et le loup garou se saisirait de sa baguette. Sans doute pas le meilleur réflexe, mais Joshua, lorsqu'il avait peur, pouvait agir comme un animal acculé.

Cependant, il réalisa vite que Nathan se contrôlait de fait plutôt bien, mieux que ce qu'il avait pu observer auparavant. Bien que son expression n'ait toujours pas changé, ses muscles se décrispèrent doucement, et il s'assit en tailleurs sur le lit. Pendant un moment, il se demanda si le maître souhaitait surtout écarter toute menace potentielle, soit-elle dérisoire. Mais après tout, le ministre restait un homme puissant, et probablement des contacts pour l'aider. Lorsqu'il fut certain que le maître avait terminé de parler, il reprit la parole.

"Eh bien, l'un des gardes du corps rapprochés du ministre a récemment démissionné. Charlie Walsh... je ne puis garantir qu'il connaisse des informations très confidentielles, mais c'est un début. Je ne puis garantir de la véracité de ces informations non plus. Notre prisonnier semble être un esprit fort. Je doutais déjà qu'il révèle quoi que ce soit sous la torture. Alors, sans elle..."

Joshua contempla le sol un moment, l'air assez vide. Il releva cependant le regard lorsque le maître lui posa de nouvelles questions.

"Je me sens utile", il répondit simplement à la première question. "Quant à la personne qui m'a trouvée, comme vous dites, il est normal que vous ne vous en souveniez pas. Ma réponse était évasive. La vérité est que je faisais partie d'un réseau de criminalité, et il n'a pas été difficile de trouver des contacts dans vos rangs. Votre cause me semble juste et m'inspire, j'ai donc insisté pour la soutenir." Survivre avait toujours été sa spécialité. Il regarda le sol à nouveau. "Si je puis me permettre une question, monsieur... pourquoi un tel intérêt pour moi ? Parmi les couleuvres qui se cachent dans vos rangs, il y a également une pléthore de membres compétents." Il se posait sincèrement la question. Il n'avait absolument pas l'habitude que l'on s'intéresse à lui en particulier, comme le maître semblait l'impliquer.

" Charlie Walsh ? Je ne connais pas ce nom… Mais quelque chose me dit que je vais bientôt le connaitre. "
Il griffonna une nouvelle note à Elenna pour contenant le nom de l’homme. Elle s’occupera de qui envoyer sur le terrain.
" En effet, il semble que ce Blake soit une personne assez forte. Mais j’ai confiance en vous, et votre approche de la torture me semble intéressante. Passer dans les geoles de temps en temps… Essayez de le faire parler comme vous savez le faire. "
Il hocha la tête un peu et dit sur un ton plus sec
" Mais attention à ne pas prendre pitié. "
 
La requête à Elenna terminée, il choisit une méthode plus directe d’envoi, tout simplement en la transplanant. Normalement assez difficile voire impossible à réaliser pour certains mages faibles, il avait appris le transplanage d’objet auprès de son père. En quelques jours seulement, il avait réussi à apprendre et à reproduire ce petit tour bien utile pour faire passer son épée à travers les systèmes de sécurité magiques et moldus.
 
Il releva ses yeux émeraudes vers Joshua lorsque ce dernier lui expliqua comment il c’était retrouvé là, et comment il se sentait parmi les adeptes de Nathan.
" Eh bien… ravis de savoir que tu te sens utile ! Et je peux te confirmer que tu l’es ! "
Le jeune homme lui adressa un joli sourire avenant
" Pourquoi je m’intéresse tant à toi et pas à d’autre ? C’est très simple… Tu es quelqu’un de calme et de posé, avec un sens analytique très poussé. Et malgré le fait que tu sois un loup garou, tu arrive à survivre dans ce monde plutôt hostile à vous, sans pour autant avoir cédé à la bestialité et être devenu une bête. "
Il laissa une légère pause, et repris
" Ça peut paraitre cru, dit comme-ça, mais c’est la triste vérité. Tu es un peu unique en ton genre, ce qui fait de toi quelqu’un de très spécial et de très utile dans ce groupe. D’où ta place."
 
Nathan avait gardé un ton assez informatif durant toute sa réponse, et avait sciemment était un peu brute de décoffrage sur le choix des mots. La raison était simple. Passer trop de pommade sur un adepte aurait l’effet inverse de ce qu’il désirait. Nathan voulait juste instaurer une amitié à double sens, et non pas lécher les bottes de son subordonné.
 
Nathan se releva doucement en prenant une pomme dans le panier de vivre qu’il avait apporté, et adressa planta ses yeux dans ceux du loup garous
" Et puis je t’aime bien aussi ! Je cette pomme mon ami, tu ne m’en voudras pas ? "
Dit-il d’un ton un peu plus détendu
" N’oublis pas de passer voir Blake… je vais envoyer quelqu’un pour le torturer un peu. "
Il ouvrit doucement la porte en croquant dans le fruit, et s’éclipsa rapidement vers sa chambre.

Joshua ne prendrait pas pitié. Le maître le sous-estimait lorsqu'il le pensait capable de s'apitoyer d'un prisonnier. Il lui prouverait que cela n'arrivait pas. Il l'écouta encore une fois sans l'interrompre, lorsqu'il décrit les qualités du jeune homme. Il ne le contredirait pas, il était vrai qu'il avait toujours été considéré comme efficace, et étonnamment calme pour une bête. Tout cela, il le savait, et il se contenta donc d'acquiescer à ces explications. Cela dit, alors que le jeune homme pensait que l'autre avait fini, ce dernier lâcha une bombe. L'expression de Joshua changea du tout au tout. Sa bouche s'ouvrit légèrement, ses yeux s'écarquillèrent, il eut un mouvement de recul, il pâlit, et ses joues prirent une couleur légèrement rosée. "Je t'aime bien." "Je t'aime bien..."

Joshua ne prêta même pas attention au reste du discours, ni à la sortie du maître. Il lui adressa un "passez une bonne nuit, monsieur", d'une voix tremblante, puis se mordit le bout du pouce. Il fixait le sol, dans un mélange d'anxiété et de réflexion. "Je t'aime bien". C'était langage extrêmement étrange à utiliser pour un supérieur. Beaucoup trop familier. C'était familier, pas vrai ? Il n'y avait rien de formel là-dedans, peu importe sous quel angle on le regardait. Est-ce que cela voulait dire que Nathan cherchait à établir une proximité ? Mais dans quel but ? Il ne pouvait y avoir de but à être l'ami de ses subalternes, pas vrai ? Après tout, un ami n'était pas forcé d'obéir. Il était l'égal de l'autre. Tout ce que quelqu'un d'inférieur hiérarchiquement n'était pas censé être. Il était impossible de comprendre ce que Nathan voulait, s'il voulait obtenir quelque chose. Se pourrait-il ...?

Joshua se tortilla légèrement sur son lit, anxieux. Ces mots passaient en boucle dans sa tête comme un disque rayé. Il avait rarement entendu cela. Encore moins de quelqu'un qu'il respectait. Encore moins de son supérieur. Il savait qu'il ne devait pas se sentir optimiste, que cela cachait sans doute quelque chose. Mais il l'était. Sans doute parce que malgré sa manie d'analyser et de chercher les doubles sens, il ne pouvait s'empêcher de garder un espoir qu'il soit... sincère. Et cette seule idée lui faisait retrouver certains sentiments, qu'il avait perdu depuis longtemps, puis travaillé très dur pour ne pas retrouver. "Je t'aime bien"...

Le jeune homme s'allongea en boule sur son lit, à fixer le mur, sans pouvoir penser à autre chose.

Elena était seule danse sa chambre -d'ailleurs elle n'invitait jamais personne dans sa chambre donc c'était une évidence- lorsqu'elle reçut le premier message de Nathan. Elle était justement en train de s'occuper des troupes, établissant des listes avec les informations de chaque personnes, revérifiant bien leurs origines, leurs capacités, apprenant leurs noms et leurs visages, leurs points forts et points faibles, une bonne connaissance de son équipe était cruciale et elle se devait de vérifier tous les profils, ils n'étaient jamais à l'abris d'un espion ou deux. La paperasse n'était pas sa spécialité, mais si c'était sur le groupe elle faisait toujours le maximum. Il était aussi important pour elle, en tant que sous-chef, de garder une bonne relation avec tout le monde. Bien évidemment, comme le groupe se faisait de plus en plus grand ça devenait compliqué pour elle de connaître toutes les têtes, tous les profils, mais elle devait le faire au moins pour épauler Nathan et pour prendre des décisions plus rapidement quant au choix d'envoyer untel ou untel en mission. 

Et c'était justement l'objet de ce premier message qu'elle venait de recevoir, envoyer deux espions à Cardiff. Elle se douta que l'information de Cardiff avait dû être mise à jour et était probablement fausse, déjà parce qu'elle avait des doutes dès le départ mais ensuite parce que Nathan aurait pu choisir d'envoyer deux guerriers plutôt que deux espions, pour un compte-rendu. Et elle savait exactement qui envoyer, elle avait repéré déjà quelques espions prometteurs dans le lot. Elle décida d'envoyer Nikolaus Feuerbach, un allemand qu'elle connaissait depuis quelques temps déjà en qui elle avait confiance et qui avait toujours été très efficace, et avec lui une certaine Rita Maddox, elle n'était pas bien vieille dans le groupe mais elle avait un grand potentiel et elle souhaitait utiliser son talent pour le bien du groupe. Elena savait qu'avec Nikolaus il n'y aurait pas ou peu de problèmes. 

Elle s’apprêtait d'ailleurs à aller prévenir ce dernier de sa mission urgente lorsqu'elle reçut le deuxième message, avec juste un nom : Charlie Walsh. Ce nom ne lui disait rien à première vue mais si le Maître le lui envoyait ce n'était pas pour rien, elle allait devoir enquêter sur cette personne. Deux ordres si différents et si soudainement, elle ne savait pas ce qu'il se passait mais elle n'aimait pas ça, qu'on lui envoie juste des ordres sur papiers. Elle aimait être mise au courant de la situation, et surtout elle était quand même en position de faire partie de la discussion, des conséquences et des raisons. Elena préféra faire taire ses émotions : ce n'était pas le moment de faire une crise de jalousie. Après avoir prévenu et envoyé les deux espions en mission, elle retourna dans sa chambre pour commencer à faire des recherches sur ce Charlie Walsh.

Nathan rentra dans sa chambre et souffla. C’était parfait. Son petit numéro n’avait pas laissé Joshua de marbré, et l’avait un peu fait réagir. C’est ce qu’il voulait.
Il redoutait tout de même un peu la réaction du jeune homme. Puisque Nathan n’arrivait pas vraiment à cerner le mental de Joshua, il craignait que celui-ci agisse de manière complètement différente de ce qu’il avait prévu. Et si c’était le cas… Il n’aurait d’autre choix que de s’en débarrasser.
Pas que Joshua était inutile, mais des dizaines d’autres personne pourrait prendre sa place. Il était loin d’être irremplaçable. Cependant, il n’était pas aussi sûr de retrouver un autre esprit analytique aussi spectaculaire. Enfin, cette qualité pourrait facilement être contrebalancé par une autre…
 
Maintenant qu’il avait réussi à donner un coup dans sa relation avec Joshua (pour la renforcer il l’espérait), il fallait qu’il s’attaque à celle entre lui et miss Iberians. Pourquoi s’embêter à établir un lien avec ses deux subordonnés me diraient vous ? La réponse résidait surtout dans son désir de survivre. Cela réduirait fortement la probabilité de recevoir un coup dans le dos des gens à qui il avait donné du pouvoir. Et aussi pour faire en sorte qu’ils se donnent à fond. Effectué une tâche pour son patron n’était pas la même chose qu’effectuer une tâche pour son ami. Et il compter jouer sur cela pour avancer dans ses projets au plus vite.
 
Pour amadouer Elena… il avait aussi un plan. La jeune femme était assez avide de pouvoir… Lui donner quelques privilèges, par petites doses, devraient pouvoir fonctionner. Aussi, il mit en en ordres quelques affaires importantes avant son départ vers la Russie avant de se diriger rapidement vers la chambre de la jeune femme.
Il toqua à la porte de la chambre rapidement et entrouvra.
" Bonsoir Elena. Puis-je te parler ? "
Avec sa chemise froissée débraillé au-dessus d’un pantalon en cuir élimé de partout et les cheveux grandement ébouriffé, Nathan avait plus l’air d’un étudiant fêtard qu’un grand chef gourou en ce moment. Mais justement… Une approche avec ce style vestimentaire lui permettrait de casser les codes de la hierachie.

Elena avait un peu sursauté lorsqu'on toqua à sa porte mais elle baissa sa garde en voyant que c'était Nathan. Venait-il lui parler des ordres qu'il venait de lui parler ? Probablement. Dans cette tenue là ? Elle ne savait pas trop quoi penser, son n'avait pas l'air très formel, on aurait juste dit qu'il passait juste pour voir comment les choses allaient, peut-être pour voir si elle avait déjà trouvé quelque chose sur Walsh. 

Elle se releva et lui sourit pour lui ouvrir la porte. 

"Bien sûr, entre Avemignis."

Elle referma la porte derrière lui. Si c'était lui, elle pouvait bien faire entrer quelqu'un dans sa chambre. Elle était assez sobre, composé d'un lit un peu trop grand pour une seule personne mais trop petit pour deux personnes, dans des draps propres beiges. Il y avait un bureau en bois avec une montagne de papier et une étagère remplis de bouquins plus ou moins rangés à côté, avec dans le coin un fauteuil confortable et en face une commode avec quelques vêtements vaguement pliés dessus. Elle n'avait pour seule décoration qu'un tableau accroché au dessus du lit, une reproduction de Pandora de John William Waterhouse ainsi qu'une photo de la famille Iberians, encadrée sur son bureau, perdue parmi les documents. Il y avait d'ailleurs derrière cette photo une photo d'elle et Andry, mais qu'elle préférait ne pas la montrer.

Le jeune homme rentra et vint s’appuyer sur le bureau de la jeune femme.
"Tu as reçus mes messages, je suppose que tu vas t’en occuper, je te fais confiance."
Il hocha la tête.
"Je ne suis pas venu pour ça. Plus pour discuter et te donner ceci."
Il sortit de sa poche une clef en cuivre ornée de runes.
"C’est la clef d’un des quelques coffres qui m’appartient à Gringotts… Il y a quelques fonds à l’intérieur. Assez pour te faire un petit cadeau ou quelque chose dans le genre. N’hésite pas à partager… Ou garde tout pour toi, c’est comme tu veux. Et pas le droit de les reverser dans notre cause. Cet argent est pour toi !"
 
Le coffre contenait exactement 550 Gallions, quelques armes et armures médiévales et un antique balais appartenant à son père. Petit pécule amassé en pillant les maisons des potentiels adversaires dont il avait dû se débarrasser avant de monter le groupe. Maquiller ses crimes en vol était plutôt utile, et évitait d’attirer l’attention sur lui, excellant étudiant de Poudlard dans le temps. Il avait réussi à en obtenir autant car il fallait savoir qu’après la guerre noire, de nombreux sorciers ne faisaient plus confiance à Gringotts. Cette dernière avait en effet été sous le contrôle de Zaccharias Serpentard depuis le début de la guerre, et fournissait une grande partie de ses fonds pour les mangemorts.
 
Il déposa la clef sur le bureau, à côté de lui, avant de plonger ses yeux verts dans ceux de la magicienne.
"Comment ça se passe en ce moment… Et ce que tu pense de ta vie dans le groupe. Je suis curieux de savoir cela. C’est important pour moi, parce que je t’aime plutôt bien et que ça m’ennuierait que quelque chose n’aille pas."
Dit-il d’une voix assurée, profitant de son charisme naturel.
Avec Elena, il parlait franchement. Il avait bien vu que les gens un peu trop réservés n’étaient pas trop à son gout, et puis il pensait qu’adopter le même franc parler qu’elle la mettrait à l’aise.
 
Tout était calculé au millimètre près…

Elena haussa un sourcil en prenant la clé pour l'observer. De l'argent ? Elle venait d'une des familles de sorciers les plus riches, certes elle ne profitait pas pleinement de cette fortune mais elle était plus qu'aisée et n'avait pas spécialement besoin de plus. Elle n'était cependant pas du genre à refuser ce qu'on lui donnait et rangea la clé dans son soutien-gorge, histoire de ne pas l'oublier. Elle irait jeter un coup d’œil à ce coffre, après peut-être renfermait-il des choses intéressantes. Pourquoi lui donnait-il cette clé ? Elle n'en avait aucune idée, peut-être pour lui graisser la patte, peut-être pour la féliciter de son bon travail, elle n'y réfléchit par vraiment, écoutant ce qu'il avait à dire. 

En entendant dire qu'il l'aimait plutôt bien, Elena était flattée, mais pas surprise. Après tout il n'aurait pas pris n'importe qui pour le seconder, elle savait qu'elle avait les compétences et le caractère nécessaire pour se tenir à ses côtés. Savoir qu'il s'intéressait à elle en particulier la rendit fière, elle aimait qu'on s'intéresse à elle, qu'on lui accorde de l'attention, surtout quand c'était le Maître des Mangemorts. Mais pour l'instant on aurait juste dit qu'il voulait la tester. Sur quoi, elle ne savait pas trop, mais elle n'était pas intimidée. Toujours en souriant et en soutenant son regard elle lui répondit : 

"Tout se passe très bien. Je prends mon nouveau rôle et mes responsabilités très à cœur et je fais de mon mieux pour que tout se déroule correctement. Je n'ai jamais eu aucun soucis pour les relations alors la vie dans ce groupe n'est pas un problème, au contraire on peut même dire que je suis une source d'influence, je fais attention à connaître tout le monde, à les encourager et à faire passer tes ordres et message pour une bonne ambiance et une bonne cohésion. J'aime que tout soit équilibré et avoir le contrôle sur tout, pour éviter les conflits ou les désaccords."

"Je suis content de t’entendre dire ça. Continue surtout à être une source d’influence. Je tenais vraiment à te remercier pour ton bon travail jusque-là. C’est vrai que tu es là depuis le début et que tu es un vrai pilier du groupe. Un grand mécène aussi… Tu mérites de loin cette place et je suis certaine que tu vas tout faire pour ne pas la lâcher"
Il se redressa un peu avant de lui adresser un grand sourire
"Aller… Je te laisse tranquille. Il faudra juste que tu fasses attention avec le Felix Felicis dans le coffre… Evite d’en prendre si tu en à déjà pris l’an dernier. Et surtout ne le garde pas pour plus tard, il est passé dans quelques jours. Il en reste pour au moins une bonne demie journée."
Il se dirigea doucement vers la porte, d’un pas assuré.
 
« On se revois plus tard ! Tu as tes ordres et je te laisse le pouvoir ici pendant mon voyage en Russie. Tu dirigeras au côté de Joshua… Il est encore un peu faible mais il s’en sortira très bien. N’hésite pas à prendre le pas sur lui si jamais tu as une intuition »
Il fit un signe de la main et ouvrit la porte
"Je reviendrais avec de nouveaux allier… Et qui sait… deux trois loukoums… Aller… pas de bêtise. Je suis dans ma chambre jusqu’à mon départ demain cette nuit vers 3 heures si tu me cherche."
Il disparut presque immédiatement dans sa chambre en réfléchissant un peu.
 
Le Felix Felicis était un pari risqué… Mais quelqu’un sous son emprise se voyait très fort. Et le jeune homme en aurait dorénavant toujours sur lui, au cas où cette petite gageure lui sautait au visage.
Et puis… Ce n’était pas comme ci Nathan lui avait donné une vraie cape d’invisibilité… Objet trouvé par son père dans des ruines d’Amérique du sud, constituées de plumes de phénix miroir. L’histoire de 5 ans de recherche intensive… Et d’absence au foyer.

"Merci Avemignis," lui sourit-elle en retour, ne cachant pas vraiment sa fierté. "J'espère que ton voyage en Russie se passera bien, n'hésite pas à nous contacter s'il y a le moindre problème. Et surtout repose-toi bien, je saurais tout gérer correctement en ton absence."

Du Felix Felicis ? L'intérêt d'Elena avait été piqué à vif. Certes, elle n'en avait jamais pris - surtout parce qu'elle estimait ne pas en avoir besoin au vu de ses capacités - mais l'idée que Nathan lui en offre ainsi... Dommage qu'elle ne puisse pas le garder pour plus tard, elle n'en avait pas vraiment l'utilité maintenant mais elle trouverait bien quoi faire avec. Mais pour elle, ce n'était qu'une récompense de l'excellent travail qu'elle avait fait. Elle était contente d'avoir ce petit moment avec lui, presque intime mais qui restait pourtant formel, comme si elle était un peu privilégiée finalement. Était-il allé voir quelqu'un d'autre avant elle ? Probablement, vu qu'elle a reçu des ordres juste avant qu'il n'arrive. Et après elle, allait-il aller voir quelqu'un ? Elle pensa à Joshua, oui, c'était probable, mais il lui était tellement fidèle qu'il n'y avait nul besoin de lui faire de visite de courtoisie. Était-ce d'ailleurs une visite de courtoisie ? 

De toute évidence, la venue de Nathan avait perturbée Elena, et ce n'était pas très positif. Elle n'avait pas très bien compris ce qu'il avait cherché à faire, à part la récompenser et avoir un avis sur la cohésion actuelle du groupe, mais elle avait l'impression d'avoir raté quelque chose, il semblait différent dans son comportement. L'idée d'aller en parler avec Joshua lui traversa l'esprit mais elle l’effaça bien rapidement, elle n'allait pas aller l'embêter juste pour ça et c'était probablement juste le fait qu'elle aime avoir le contrôle de ce qu'il se passe et comprendre ce qu'il se passe dans la tête de tout le monde. De toute façon elle avait des choses plus importantes à faire.

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Les costumes n’allaient pas à Joshua. Sans se cacher sous un anorak, ou au moins plusieurs gilets, il se sentait presque nu. Plus ajustés, les vêtements qu’il portait révélaient toute sa maigreur. Or le loup garou était très maigre. Trop maigre. Il n’aimait pas révéler l’état son corps, car il se sentait vite vulnérable, et craignait d’attirer le regard de personnes peu scrupuleuses. Le type de personnes qui réaliserait que, s’ils ne seraient jamais capables de le vaincre en magie, pourraient avoir leurs chances s’ils choisissaient d’user de force physique.

Mais ce qui lui faisait le plus peur, c’était que le maître puisse constater à quel point il avait l’air faible. Joshua se savait compétent, pour ne pas dire athlétique, mais son apparence hurlait le contraire. Jusque-là, il avait pu cacher ce petit problème sous ses couches de vêtements, mais désormais ? Il s’attendait à plusieurs réactions, car peu importe à quel point il tentait de le cerner, le maître était imprévisible. Peut-être le réprimanderait-il pour n’avoir pas pris soin de lui-même, peut-être le considérait-il comme un problème, ou peut-être ne dirait-il rien du tout. Il n’avait aucun moyen de le savoir, et s’il était tout à fait honnête, il détestait cela.

Pour cette raison, le costume qu’il avait choisi était légèrement trop large. S’il était à sa taille, on aurait pu deviner directement que, par-dessous, l’on pouvait distinguer la plupart de ses côtes. Il n’avait également aucun concept « d’ajustement » ou de « repassage », des compétences qu’il n’avait jamais jugées nécessaires à sa survie, surtout pas à la rue, et encore moins lorsqu’il travaillait pour des organisations criminelles. Eux non plus ne lui avaient jamais demandé de s’habiller correctement, après tout.

Il se demandait sincèrement pourquoi le maître l’avait fait demander, lui, pour un bal diplomatique. Joshua n’était pas mauvais en négociations et manigances, certes. Il pouvait arranger des alliances et assurer la protection de son maître en stoppant complots et tentatives d’assassinat. Mais c’était bien le problème.  Il était agent de l’ombre. Porter de beaux vêtements, se montrer à la lumière du jour, agir selon les protocoles, tout cela n’était pas de sa compétence. Heureusement, il se savait prudent et observateur. Il saurait facilement imiter les autres, et resterait poli et silencieux autant que possible, afin de ne pas gêner Nathan.

Il s’observa dans le miroir, l’air toujours aussi professionnel, sans la moindre expression – et puis, finalement, il ne put réprimer un soupir. Était-il présentable ? Après tout, il ne supportait toujours pas que le maître crie. Surtout contre lui. Cela le mettait dans un état d’alerte qu’il ne savait pas bien contrôler. Il savait que s’il craignait pour sa vie, il risquerait d’agir comme un animal acculé et de faire quelque chose qu’il pourrait regretter. D’un autre côté, Nathan devait savoir qu’il lui demandait quelque chose de difficile. Et il était un excellent médicomage. Pourquoi se débarrasserait-il de lui pour n’avoir pas su mettre un costume correctement ? Dans un sens, cela semblait parfaitement illlogique ; de l’autre, Nathan n'était pas toujours rationnel.

Il finit par se rassurer en pensant que le bal était une excellente opportunité d’élargir son domaine de compétences. Aussi, il voulait vraiment voir le diplomate qui s’opposait à Nathan en personne. Un militant anti-loup-garou, de surcroît. Il n’aimait pas l’admettre, mais ces personnes réveillaient une colère enfouie en lui. Comme toutes ses émotions, il la réprimait et la dissimulait facilement. L’occlumancie l’aidait beaucoup sur ce point. Il passa un coup de peigne dans sa tignasse, avant d’hésiter à passer la porte de ses quartiers.

Elena finissait d'arranger ses cheveux qu'elle avait laissé lisse et plaqué en arrière en se regardant dans le miroir, le visage inexpressif. Un instant elle se demanda si elle n'en faisait peut-être pas un peu trop, mais non. C'était un bal diplomatique, évidemment que les apparences comptaient. En tant qu'Iberians, elle se devait d'être plus que présentable. Elle ne représentait pas juste sa famille d'ailleurs, en tant que seconde de Nathan Avemignis, et c'était même le plus important, faire bonne figure n'était pas un petit bonus. Chaque détail était essentiel. 

Après une longue minute d'observation elle sortit de sa trousse un rouge à lèvres mat, de couleur légèrement foncée, naturelle, qu'elle s'appliqua soigneusement sur les lèvres. Elle avait un maquillage plutôt lourd sur les yeux alors il fallait rester léger et simple sur les lèvres, avec son smokey dégradant sur le vert sapin, la paupière dorée pour appuyer son regard et ses longs faux-cils, elle était belle, évidemment. Elle sourit, un sourire polit, de courtoisie, qu'elle allait probablement aborder toute la soirée, mais elle était habituée, ce n'était pas un grand challenge pour elle. 

Elle tourna sur elle même, soulevant sa robe -verte elle aussi- avec le mouvement. Elle était dos nue, cintrée à la taille avec une jupe plissée, longue, et remontant jusqu'à son cou, les épaules dégagées. Le tissu était léger avec un effet drapé, très délicat, confortable mais pratique, elle était libre de ses mouvements tout en restant élégante. La robe s'ouvrait à la cuisse, dévoilant des talons à lacets spartiates remontant jusqu'à son genou, en cuir beige. Pour accompagner son look, elle avait opté pour des boucles tombantes en or au bout desquelles se trouvaient des émeraudes ainsi que des bracelets plats, eux aussi en or. Avec ceci elle tenait une pochette en cuir noire, très simple, ornée d'un gros bouton doré et elle avait choisi un manteau en fourrure noire long, qu'elle laissait délibérément tomber sur ses épaules. Sans oublier sa baguette, accrochée discrètement à son autre cuisse par des lanières de cuir, elle était fin prête. 

C'était rare de la voir aussi habillée. Elle avait toujours été soigneuse sur son apparence mais elle ne sortait le grand jeu que pour les grandes occasion. Autant dire que là, elle n'y était pas allé de main morte. Elle était sublime, elle le savait, et elle n'allait pas se laisser marcher dessus. De toute façon, elle connaissait déjà pas mal de monde, avec tous les contacts de sa famille, elle allait devoir utiliser toutes ses capacités diplomatiques. Elle devait briller pour Avemignis. 

Elle replaça une mèche de cheveux derrière son oreille, pinça ses lèvres une dernière fois pour étaler un peu son rouge à lèvres et sortit de sa chambre d'un pas déterminé, ses talons claquant dans le couloir, pour rejoindre Joshua et Nathan, s'ils étaient déjà prêts.

Joshua finit par trouver le courage d'ouvrir la porte pour quitter ses quartiers. Comme prévu, il n'était pas très agréable à l’œil. Entre son costume légèrement trop large qu'il avait choisi pour cacher la circonférence de ses bras et les mains qu'il gardait dans ses poches par réflexe. Se maquiller ne lui serait tout simplement jamais venu à l'esprit, ainsi, il n'avait fait aucun effort pour cacher les éternelles cernes qui creusaient ses yeux.

Elena put sans doute le trouver qui fixait le sol comme s'il s'attendait à être aspiré par lui. Ou comme s'il tentait de se distraire de tout ce qui l'entourait. Comme s'il croyait que, s'il regardait ailleurs, les autres ne pourraient pas le voir, non plus. Ou qu'ils ne prêteraient pas attention à lui, du moins. Que les teintes sombres de son costume lui permettraient de se fondre dans les ombres du couloir.

Il lui jeta un regard furtif, son faux air indifférent au visage. Comme prévu, elle était belle. Plus que belle, à vrai dire ; chaque détail de son apparence semblait avoir été choisi et accordé avec minutie, raffinement. De ses ongles à ses cheveux, de ses chaussures à ses boucles d'oreille. Joshua jura dans sa tête. Il devait se l'avouer à lui-même : c'était bien là une compétence qu'il n'avait pas.

"... Bonjour, Elena", la salua-t-il. Un gentleman aurait sans doute pensé à la complimenter, mais cela ne lui traversa même pas l'esprit. Sans doute parce qu'il était jaloux, trop occupé à stresser, et se demander s'il était seulement regardable.

"Bonjour Joshua," le salua-t-elle en retour, un grand sourire sur le visage. 

C'était un sourire sincère, mais plutôt parce qu'elle était satisfaite et excitée que parce qu'elle était contente de voir Joshua. Non pas qu'elle ne le soit pas, seulement... Elle ne s'attendait à rien de sa part, l'idée même de le voir en costume lui semblait absurde, aussi elle ne pouvait pas vraiment être déçue, mais ça ne restait quand même pas du grand art. Elle était tentée de lui faire un reproche. Il aurait pu faire un peu plus attention à son apparence, c'était un bal diplomatique, Avemignis lui avait fait l'honneur de le laisser l'accompagner, la moindre des choses serait d'être présentable pour lui. Mais elle se retint, elle savait le loup-garou assez intelligent pour savoir tout ça, pas la peine de le lui répéter. Vu comment il se tenait, il n'était clairement pas à l'aise, l'enfoncer encore plus ne ferait que le rendre plus misérable. De toute façon, elle sera là pour le faire oublier. 

"J'imagine que c'est la première fois que tu assistes à ce genre d’événement. Je compte sur toi pour ne pas faire de faux pas," lui dit-elle d'un ton ferme mais amical.

Joshua ne rendit pas le sourire. Pas qu'il était fâché de voir Elena, mais cela ne lui traversa même pas l'esprit. Il savait qu'il devait travailler ses émotions afin de paraître plus humain, mais il avait toujours beaucoup de mal à le faire en pratiquant l'occlumancie. Or, selon lui, rendre ses pensées inaccessibles restait une priorité, plutôt que d'avoir l'air normal. Lorsqu'elle ouvrit la bouche, il conserva son expression professionnelle, bien qu'il sentit une pointe d'énervement lorsqu'elle lui demanda de "ne pas faire de faux pas".

"Je n'ai peut-être aucun talent pour les frivolités, mais mes pensées restent claires, et mon comportement le même. Quoi qu'il arrive, je ne compte pas me trouver en travers du chemin du maître." Il avait dit cela de son usuel ton détaché, sans la moindre trace d'émotion. Puis, à bien réfléchir, décida d'ajouter quelque chose pour une touche de validation émotionnelle. Il ne voulait pas que sa camarade pense qu'il lui était hostile, après tout. Cela ne pourrait que le desservir. "... Ne t'inquiète pas, Elena. Cette cause me tient autant à cœur qu'à toi." Cela ferait le job, il s'imaginait.

Il s'avachit contre le mur, l'air pensif et le regard perdu vers le sol. "... Dis-moi, as-tu assisté à beaucoup de réceptions de ce genre ?" Cela avait dû lui arriver, une ou deux fois, mais pas en tant qu'invité. En général, il y était pour semer le trouble.

La réponse de Joshua parut satisfaire Elena. Il est vrai qu'il n'était peut-être pas très présentable, mais il était calme et réfléchi, elle ne doutait pas un instant qu'il fasse quoi que ce soit qui puisse faire du tord à leur maître - il était bien trop... Docile, pour ça. 

Son sourire s'élargit en repensant à tous les événements auxquels elle avait pu assister... Que ce soit étant toute petite, avant que son frère ne l'éloigne de tout ça ou après être revenu auprès de sa mère. Ce n'était pas spécialement de bons souvenirs, pas non plus de mauvais mais elle ne pouvait s'empêcher de sourire, c'était un vieux réflexe. Elle se remémora les premières fois. Elle n'avait jamais été stressée, on l'avait toujours présenté comme un prodige, elle était la petite princesse de la soirée, tout le monde lui mangeait dans le creux de la main. Elle avait apprit en grandissant à être courtoise, et n'a jamais eu de problème. 

"Quelques unes, oui." C'était un euphémisme. "Suffisamment pour être plus qu'à l'aise. Pourquoi donc ? Tu as des questions ?"

Joshua ne put s'empêcher de remarquer son petit changement d'expression. Elle était dans son élément, indubitablement. Il se doutait que "quelques unes" devait être une grande minimisation. Ou peut-être pas, peut-être qu'elle n'avait assisté qu'à très peu de ces réceptions, mais qu'elle lui avaient laissé un très bon souvenir. Quoi qu'il en était, elle savait très probablement comment s'y comporter. Il n'aurait sans doute qu'à l'imiter.

Lorsqu'elle lui demanda s'il avait des questions, Joshua hésita un moment. D'un côté, il ne souhaitait pas révéler la moindre faiblesse, fut-ce son ignorance des convenances en société. D'un autre, il avait bien plus peur de Nathan que d'Elena, et ne souhaitait pas faire la moindre erreur. Sans compter que son manque d'expérience était évident, et le reconnaître pourrait lui donner l'air humble et docile, ce qui était toujours un plus. Après avoir pesé le pour et le contre, il finit par acquiescer."... Peut-être. Je pense pouvoir m'en sortir par l'observation, mais préfère mettre toutes les chances de mon côté. Dites-moi, que pensez-vous que je doive savoir?"